Je me suis longuement accroché à l’idée de rester en Tunisie, de travailler au pays et d’y vivre pour le meilleur et pour le pire… Peut-être un sens de patriotisme ou d’attachement me poussait quelque part à faire le maximum pour mon pays. Et nous connaissons tous le matraquage des tentations, mais… je résistais en me disant : “Il faut que je sois actif et que je sois l’une des briques qui (v)ont bâti(r) cette contrée.” (tiens, another brick in the wall, Pink Floyd) Mais le doute et l’épuisement ne cessaient de planer…

J’ai entamé dernièrement mon premier tiers de vie professionnelle. Mis à part les évolutions, les hauts, les bas, les gloires et les déceptions, j’ai toujours vu les jeunes tunisiens s’étouffer (y compris moi) sous le poids d’un environnement lourd, archaïque, profiteur et… chaotique. La perception de la valeur (personnelle et professionnelle) se résume à ton compte bancaire et le pouvoir… aussi, ta VW Golf(!), les attributs de ta moitié et le S+2 que tu as pu acheter et meubler avec des crédits.

Ajoutons à cela les salaires en TND et les courses en euros (convertis), on essayait juste de survivre au lieu de vivre.

J’ai toujours vu notre créativité perdue, notre enthousiasme consumé, nos idées volées, nos efforts mal récompensés, nos erreurs mal corrigées, notre avenir mal conseillé, notre personne mal estimée, notre art mal vu, notre amour mal compris, notre énergie brûlée, notre argent mal placé et notre identité inconnue.

Étant atypique et n’aimant pas trop être mainstream, j’étais toujours en quête de développement personnel, d’innovation et de nouveaux défis… mais cela ne me laissait pas à l’aise dans un environnement qui a appris à n’être qu’un consommateur (de tout). Et le peu de gens qui pouvaient m’apporter ce confort, eux-mêmes souffraient des mêmes contraintes…

J’ai fini par devenir un étranger dans mon propre pays…

J’ai eu la chance de voyager ici et là, de travailler avec plusieurs personnes, dans plusieurs équipes et d’observer plusieurs cultures… et j’ai toujours conclu qu’ils sont comme nous (des humains avec des tonnes de problèmes) à une exception : ils aiment faire leur boulot et n’arrêtent pas de repousser les limites pour avancer et se perfectionner.

En me rappelant la lassitude, le laisser-aller, le “loin de ma tête”, l’ego démesuré des gens et la fierté religieuse trompeuse, j’ai compris que le Tunisien (lambda) a perdu il y a longtemps un point essentiel : savoir se développer et que sa spiritualité n’est que des pratiques héritées.

Il y a une attitude générale chez ce même Tunisien qui colle les défauts à l’autre sans assumer les siens, sans s’auto-corriger ou chercher à comprendre… et déjà, il ne sait pas écouter.

Cette attitude générale, couplée à la fascinante faculté de copier l’autre en tout… et vous voilà face à une monotonie totale.

Adepte de la règle disant que la médiocrité est contagieuse, je m’en méfiais toujours… et avec toutes les contraintes citées plus haut, j’ai fini par céder et quitter le pays.

Et vous savez ce qui est pire que de vivre à l’étranger ? C’est de se voir incapable de faire avancer son pays malgré l’expérience, le bon sens et l’ambition.

Vivre à l’étranger a certes ses avantages. Beaucoup m’ont listé une série d’innombrables bénéfices financiers, professionnels et de confort de vie. Il y en a même qui disent qu’ils sont plus capables de trouver leur moitié en comparant à la ‘qualité’ qu’ils/elles trouvent au pays…

Ceci étant, le choc du retour (lors des vacances ou définitivement) reste toujours dur à supporter…

Un grand dilemme… partir ou rester, vivre ou survivre, avancer ou stagner, sortir du lot ou suivre le courant, avancement ou routine, innovation ou consommation…

Chacun a sa réponse… et moi, j’ai choisi la mienne…